Ma commune en 2015 ... après le passage de l'AGCS

Anticipation

Ce qui suit est une anticipation. Tout ce qui y est décrit se passe déjà, et ira en s'amplifiant si les peuples ne parviennent pas à faire reculer les vagues de libéralisations prévues. Toute ressemblance avec des situations réelles n'est donc pas fortuite.

Cette "anticipation" décrit ce que serait, dans quelques années, la vie quotidienne si l'AGCS, la directive Bolkestein et la "Constitution" européenne produisent leurs effets.

L'effet de ces trois textes se conjugue avec les politiques nationales de libéralisation.

MA VILLE N'EST PAS A VENDRE

2015

Le courrier est en retard.
Depuis que la Poste™ est libéralisée, pardon, ouverte à la concurrence ??, le courrier arrive n'importe quand.

Alors, Andrée attend, elle attend comme chaque jour la lettre d'un employeur éventuel.
Elle a toute la journée, après tout.
Elle était aide sociale à la Mairie, elle aidait les petits vieux pour leurs ménages, leurs courses.

L'aide médicale à domicile a dû être ouverte à la concurrence :
 "les règles imposées par l'OMC " ?? a dit le Maire au pot de départ des 32 aides ménagères, l'air parfaitement désolé.
Il n'y pouvait rien, à voir la tête qu'il faisait.
Maintenant, il paraît que c'est une société de fourniture de services multiples, ménage, restauration d'entreprise, "entretien des espaces professionnels", qui s'occupe de tout.
 
Elle emploie des Philippines qui viennent là 3 mois, parfois six, puis repartent ?? .
Les petites mémés n'ont même pas le temps de retenir leur prénom.
D'ailleurs, maintenant, les petites mémés doivent payer, et certaines ne peuvent pas.
 
Alors du coup, Andrée va leur donner un coup de main, elle les aide quand même.
Si elles peuvent, elles donnent une petite pièce.
Elle ne leur demande rien, à quoi bon?



J'VIENS RETIRER LES ARAGNEES DE LA BOITE-AUX-LETTRES

Midi bientôt. Les enfants vont revenir de l'école.
Enfin, la plus grande ; la plus petite reste à la cantine ??, mais maintenant, c'est un peu trop cher.
Il n'est plus question de payer en fonction de ses revenus, il n'y a que deux tarifs, et qui dépendent de l'âge.


ICHI LE RAB DE MC KCADO

Le Maire a même raconté que l'entreprise de restauration scolaire qu'il a dû choisir, a demandé les mêmes subventions que celles qui existent pour la restauration d'une autre école ??.

Il a refusé. L'entreprise fait un procès, voilà 4 ans que ça dure ??.

Midi, les enfants sortent de la classe.
Avant, j'avais des assistantes maternelles, dit la maîtresse, c'est trop cher désormais.
32 par classe, c'est ça le service public maintenant.

Certaines collègues se sont laissées embaucher par Maternelle Jolie™, une filiale française d'un groupe américain ?? qui fait aussi dans la communication d'entreprise.

Elle a bien rigolé la maîtresse quand ses excollègues lui ont raconté qu'elles devaient travailler sur un support pédagogique édité par Supra-Com', la Communication des professionnels™, la boîte qui détient la filiale française.

Maintenant, la maîtresse rigole moins. Les municipalités ont en charge l'entretien et la fourniture du matériel pédagogique ??, et elle doit refourguer un support pédagogique aux armes de MacKitchen™, le fournisseur de cantine scolaire.

Midi. La serveuse, à la cantine, est là depuis 10h30, elle a dû faire une heure de bus pour venir ici, elle finira à trois heures, recommencera à quatre un peu plus loin (dans un fast-food), pour finir à 22h elle n'est pas chez elle avant 23 heures. Heureusement que la voisine garde les petits, 9h30-23h chaque jour, sauf le dimanche, c'est dur, elle espère l'année prochaine avoir le SMIC ??.

Midi quinze. Andrée guette le retour de Julie. Une chance que l'école soit tout près. Si en plus, il avait fallu payer les transports scolaires ??... D'autant qu'en plus, l'inscription à la bibliothèque est devenue payante ?? : la petite aime bien lire, mais pour emprunter des livres maintenant il faut payer.

Et cette année elle devait commencer le sport. C'est cher ça aussi. L'année prochaine, peut-être...

Bibliothèque ?
Pendant ce temps à treize heures, début du Conseil municipal. Première partie, actes réglementaires. Le Maire propose deux textes relevant de la police administrative, une sur la sécurité dans les squares, l'autre sur les normes sanitaires des déjections polluantes.
 
Premier texte, aucun problème. Deuxième texte : l'usine Prétrochimica™, brûle les ordures ménagères. Il a fallu concéder le marché à la moins disante. La municipalité a bien tenté d'imposer des normes écologiques de ramassage de déchets (camions au propane), et de traitement (pas de destructions par brûlage indiscriminé).

Le Préfet s'est alors manifesté, « cher ami, (il le connaît bien le Préfet), je comprends vos soucis écologiques, mais, voyez vous, un cahier des charges aussi précis, aussi exigeant ??, comment dire, c'est contraire à l'AGCS. A quoi?

L'Accord général sur le commerce des services. C'est un accord international. Figurez-vous qu'un de ses articles (le VI-4, pour être précis), prohibe les "obstacles non nécessaires" au commerce. Et alors? Je ne fais aucun obstacle au commerce, c'est seulement un cahier des charges de passation de marché public. »

« La municipalité a le droit de choisir les critères qui... Plus maintenant, cher ami, plus maintenant.
Les entreprises de retraitement et/ou de ramassage de déchets qui n'opèrent pas selon ces modalités pourront demander au juge administratif d'annuler ce cahier, et donc toute la procédure - le juge  dministratif français ? ??

Vous êtes certain ? Vous venez de me dire qu'il s'agissait d'un accord international ? Oui, mais l'article VI-2... Un autre article de l'AGCS ?

Oui, c'est cela, l'article VI-2 prévoit ce cas de figure. »

« Qu'à cela ne tienne, on ne va pas se laisser enfumer par ce pollueur :
Acte réglementaire de police administrative établissant la liste des rejets prohibés dans l’atmosphère, ils vont voir, non mais !

Monsieur le Maire ?

- Oui ?

- Sommes nous certains de la compétence de la municipalité pour prendre ce genre de mesure ?

- Pourquoi ne serait-elle pas compétente ? Ce type de décision relève clairement des compétences municipales.

- Oui, mais qui nous dit que Pétrochimica™ ne va pas contester au motif que nous lui imposons dans son activité un obstacle non nécessaire ?

- Tout serait "obstacle non nécessaire" alors !

- C'est à craindre, hélas. Et puis, le patron de Pétrochimica™ est très en cour auprès du Premier ministre italien, il pourra demander que la France soit sanctionnée pour cette limitation ??.

- Ou bien, ajoute un autre Conseiller, Pétrochimica™ risque de partir.

- Bon débarras!

- Vous n'êtes pas sérieux. Les emplois, la taxe professionnelle..."

Quatorze heures, Benjamin arrive à son école.

Il habite loin, le bus de ramassage scolaire ne fonctionne que de manière aléatoire, il a encore fallu que son père, revenu exprès du travail, l'amène en voiture. C'est une compagnie privée ??, elle n'assure que très mal le service, elle ne répond pas aux injonctions de la Mairie de l'assurer plus régulièrement, et elle fait des procès systématiquement. En réalité, elle va abandonner l'exploitation de cette ligne : trop peu de clients, villages excentrés, personne ne veut s'enquiquiner pour 10 élèves, quand il est plus simple pour l'entreprise d'exploiter les lignes rentables. Le petit Benjamin a raté la leçon du matin, c'est bête, lui qui n'est déjà pas bien fort en maths ??, si, en plus il rate des cours de maths.. ??

Bus ?
Andrée se rend à Boulot 2015™, l'organisme de placement de personnels ?? pour lequel elle verse une "cotisation", afin d'être placée sur les "listes de performances" qui seront présentées en priorité aux employeurs. Ensuite, elle ira à Job-emploi™, un service totalement gratuit, entièrement financé par le département, depuis une loi de décentralisation.

Boulot 2015™ sont sympas, pas tellement efficaces, Andrée craint d'avantage Job-emploi™. Ils ont passé des "contrats de performance" avec le département, ils doivent caser un certain nombre d'allocataires de minima sociaux à n'importe quel prix.

Et si on refuse un emploi, même en dessous de son ancien salaire et de ses capacités, viré ! Vous n'êtes pas toute seule, nous ne pouvons continuer de financer à perte une personne qui refuse sa propre réinsertion.

Elle sent qu'elle va devoir accepter des emplois intérim de femme de ménage, alors que ce qui l'intéressait dans son travail précédant, c'était le contact humain avec les petits vieux. Sébastien, BAC+5, enseignant, attend son tour à Job-emploi™. Même homme de ménage, il accepte. N'importe quoi, il accepte.

Il vient de recevoir ses factures. L'eau se paie au prix du caviar maintenant ??.

A la télé, on voit des jeunes enfants gazouillant sur un fond de gargouillis de fontaine. Ce doit être pour payer sa pub que Eaunet™, le fournisseur privé, augmente ses prix.

Et l'électricité, et le logement ??. Il sort de la Mairie. On le renvoie au département, qui n'y peut rien, seuls quels rares logements sont encore sociaux. Maintenant, même les HLM sont gérés par le privé.

Et c'est fou ce qu'ils réclament comme garanties et comme revenus. Si ça continue, il va être obligé de retourner vivre chez ses parents. A bientôt 30 ans... Le mariage n'est pas pour demain. Non, pas pour demain, se dit Sophie. Son fiancé est au chômage (BAC+5, pourtant), elle même termine une formation à l'Ecole Carroufe™, l'école de la vente par correspondance.

Il a bien fallu qu'elle accepte cette formation entièrement financée par Carroufe™, les frais d'inscriptions ont terriblement augmenté ??. Maintenant, elle craint d'être envoyée à 600 kilomètres de chez elle par l'entreprise qui lui a payé la formation. Comment refuser? Monsieur Jean, votre prochaine mission consiste à porter les colis le plus rapidement possible, dans les endroits les plus opérationnels.

C'est-à-dire?

Nous avons un rayon d'action qui couvre tout le département, mais des études de marché montrent que cette partie, celle ci et celle là ne sont habitées que par des gens d'une moyenne d'âge de 62 ans, et qu'il ne représentent qu'un cinquième de la population totale du département. Vous servirez donc en priorité les centres urbains.

Les autres attendront. Le Conseil municipal continue. Partie III : demande de subventions. « Qu'avons-nous aujourd'hui? Un projet très intéressant, monsieur le Maire, d'activité théâtrale en milieu ouvert, à destination de jeunes de quartier difficile...

Le Secrétaire égrène les qualités du projet théâtral, "compagnie dynamique", "connaissance du terrain", "expérience incontestable", etc. Il sait qu'il va falloir trouver des trésors d'imagination pour faire passer cette subvention sans que General Entertainment™, la mégacompagnie de divertissement mondial, ne la conteste au motif qu'elle-même ne pourra pas la toucher.

Depuis que ce secteur a été ouvert ??, il y a eu des batailles homériques, des manifestions, des pétitions, mais General Entertainment™ a le droit pour lui : dans le cinéma, le théâtre, il ne peut plus y avoir une subvention sans que la GE™ n'attaque, "au nom des règles de l'OMC".

Aucune subvention ne peut plus être donnée de façon "discriminatoire". Autant ne pas en donner. La télé ronronne. Bientôt, on nous expliquera qu'on est riche quand le plus grand nombre s'appauvrit se dit Andrée. Toujours aucune lettre d'un employeur éventuel. La fin de la séance du Conseil approche. C'est le moment où est fixé le calendrier. Le Maire devient un VRP. chargé d'aller démarcher les entreprises pour éviter qu'elles délocalisent chez le voisin, le pays moins cher ou carrément en Chine. S'il avait su qu'il faudrait se plier à ce genre d'exercice... Bon, maintenant, questions diverses : les pétitions. Elles s'accumulent. Le quartier Saint-Gratien se plaint que l’eau sorte marron des robinets. Et oui, comment leur donner tort ?

Non seulement elle arrive malpropre mais elle sent la vase. Eaunet™ menace de faire un procès et de réclamer des dommages et intérêts qui mettraient la collectivité en difficulté jusqu'à la fin des temps. Autre pétition : le prix des transports scolaires et leur irrégularité, l'hôpital de proximité à 150 kilomètres, les services sociaux ruinés...

Le Maire se penche vers le second adjoint, il aime bien blaguer avec lui :

"Si ça continue, on va aller planter des cerisiers en Provence, ta femme nous fera des clafoutis.

-Tu rigoles, on va être obligés d'utiliser des O.G.M  ??."

ZONE HORS-AGCS

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